JEAN LEC
1899 - 1964


Jean LEC (Fernand, Henri, François, Gustave LECOUBLET) naît à Rennes le 11 juillet 1899.
Orphelin de père, fils unique d'une mère institutrice, il est engagé volontaire dès le début de la première guerre mondiale. C'est sans doute dans les tranchées, devant la colère qu'il éprouve à être traité comme de la chair à canon que naissent ses opinions anarchistes.
Démobilisé, il étudie à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes et commence à faire de la peinture d'avant-garde.

Jean Lec en uniforme militaire. C'est lui qui a dessiné la poire en guise de décoration    

C'est sur une plage de Bretagne qu'il fait la rencontre, à la fin des années 1920, d'un couple de Parisiens venus en villégiature avec leur petite fille. Entre Raya, la jeune femme, et lui c'est le coup de foudre, le début d'une relation passionnée qui se poursuivra pendant toute leur vie.

C'est pour se rapprocher d'elle qu'il s'installe à Paris.

Raya et sa fille Denise

A Paris, il monte l'un des premiers ateliers de publicité, "l'Atelier Lec", où il essaie de travailler comme peintre et graphiste. C'est alors qu'il prend le nom de Jean Lec. Malgré son talent, cette expérience ne rencontre pas rencontre le succès escompté, car son dessin fortement influencé par le cubisme déconcerte les clients potentiels.

Il s'installe alors dans le 18ème arrondissement pour devenir peintre. Il est aussi dessinateur de mode pour la confection de luxe, et il est le premier à présenter des collections en tournées. C'est à l'occasion de ces présentations que Jean Lec prend ses premiers contacts avec le public... de dessinateur à chansonnier, le pas sera vite franchi.

En 1935, aux Noctambules, il inaugure un tour de chant de dessinateur-chansonnier en faisant des dessins humoristiques sur scène. Puis il commence et à présenter des monologues satiriques (ce qu'on appellerait aujourd'hui le "stand up") dans les cabarets parisiens, notamment aux Deux Anes, et au Caveau de la République.    


Un projet d'affiche de l'Atelier Lec cliquez sur l'image pour l'agrandir


Le cinéma - début des années 40
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Au début de la seconde guerre mondiale, sa relation est désormais bien établie avec Raya (née Raïssa Epstein), mais il ne veut ni se marier, ni avoir des enfants avec elle, car ses convictions anarchistes le lui interdisent. Cependant il l'épousera en 1941 pour la protéger des lois anti-juives.

Il dira désormais en plaisantant : "les Juifs, ils sont partout, même dans ma famille", tandis qu'elle répondra: "je suis une Bretonne de Brest… Litovsk".

Son esprit libertaire ne l'empêchera pas de subvenir avec dévouement aux besoins des parents de son épouse pendant toute la seconde guerre mondiale, et par la suite d'être un "grand-père adoptif" aimant et attentionné pour ses petits-enfants.


Raya peinte par Jean Lec en 1939
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Après la Libération un ami, un ancien résistant qui exerce la tutelle sur la RTF, lui propose de faire une émission radiophonique hebdomadaire. Celle-ci débute en octobre 1946 sous le nom de " Grenier de Montmartre" et remporte aussitôt un très grand succès.

Jean Lec choisit de jeunes artistes (Edmond Meunier, Anne-Marie Carrière, André Rochel, Dinel, Gamelin etc.) pour être sûr qu'ils travailleront chaque semaine, et il invite aussi des vedettes confirmées, tels que Jacques Grello, Robert Rocca, René Dorin, Raymond Souplex.

Désormais il n'est plus seulement un chansonnier, mais aussi un producteur, un réalisateur et un chef de troupe qui donne sa chance à des débutants et qui ne craint pas non plus de prendre le micro en compagnie de ses pairs : tous les chansonniers de l'époque passeront dans l'émission.

Les émissions sont enregistrées en public, d'abord au Club des Cinq et au Central de la Chanson, puis en tournée, à l'ORTF et dans plusieurs théâtres, dont le Caveau de la République pendant plusieurs années. A partir de 1951, l'émission sera rediffusée par la télévision le lundi en soirée.

Chaque dimanche à midi, le célèbre indicatif retentit sur à la radio :

"Pour informer le monde,      avec la voie des ondes,      il y a, il y a, il y a les chansonniers…"
La vie s'arrête alors et tous les foyers français écoutent " le Grenier de Montmartre" (on compte en 1950 huit cents récepteurs de télévision en France contre sept millions de radios). Il s'agit d'une "messe dominicale" laïque et satirique.

Chaque été, la troupe du Grenier de Montmartre effectue une tournée dans la France entière, pour rencontrer son public, et son spectacle, modifié presque chaque soir en fonction de l'actualité, attire les foules.

A la télévision, Jean Lec tente en 1956 une émission appelée "Le clin d'œil", une des premières productions satiriques de ce qui est encore la RTF.

Il continue lui-même à se produire régulièrement au Caveau de la République, aux Trois Baudets, et dans tous les théâtres de chansonniers.

La troupe du Grenier de Montmartre jouant un sketche à la télévision : 1 - Jean Lec ; 2 - Pierre Still ; 3 - André Rochel ; 4 - Mirabelle (la pianiste de la troupe) ; 5 - Edmond Meunier ; 6 - Jean Lacroix ; 7 - Suzanne Pérel ; 8 - Anne-Marie Carrière ; 9 - Raymond Baillet

Le 1er janvier 1954 Vincent Auriol, président de la République, invite tous les chansonniers de l'époque dans son château de Rambouillet. Cette preuve d'humour de la part de la plus haute autorité de l'Etat ne s'est plus jamais reproduite !

Jean Lec est le deuxième à gauche, au second rang.
Assis en tailleur devant V. Auriol : Pierre Dac.
A droite au second rang : Madame Auriol.

Au bas de la photo-souvenir figure une dédicace :
"A Jean Lec, en souvenir de Rambouillet. En toute sympathie, V. Auriol"

Cliquez sur la photo pour la voir en entier (seule sa partie gauche est représentée ici).

Le succès de Jean Lec, sur scène et à la radio est dû à son franc-parler en politique, ainsi qu'à une prédilection pour les bons mots licencieux, sinon gaulois. L'érotisme est aussi une composante essentielle de son oeuvre littéraire et picturale, mais il s'agit d'une attitude saine, celle d'un bon vivant qui aime le corps humain et ne tombe jamais dans le graveleux.

Parallèlement il continue sa carrière de peintre, exposant plusieurs fois à Lille et à Paris. Il semble alors avoir renoncé au cubisme de sa jeunesse pour exécuter des toiles néo-figuratives dans des tons apaisés. Raya se plaît à dire que son vrai nom "Fernand Lecoublet" est l'anagramme de "l'art fécond en bleu". Jean Lec a toujours considéré que la peinture était sa véritable vocation.


Autoportrait    

Cela ne l'empêche pas de publier plusieurs ouvrages : deux livres de science-fiction, L'être multiple (Ed. Métal 1954) La machine à franchir la mort (Ed. Métal 1955), et un roman érotique, Mine de rien (Ed. de Paris, 1956).

Ce touche-à-tout invente même un jeu de lettres appelé "Lexicon" qu'il ne parvient pas à commercialiser car il est en concurrence avec le Scrabble qui fera son apparition la même année. Un peu amer, il s'en prend au nom du jeu qu'il a créé, et qu'il appelle désormais le "Lec si con"…

En 1958, revenant d'une tournée, Jean Lec est victime d'un accident vasculaire cérébral dans un train et restera paralysé, hospitalisé à Garches jusqu'à son décès en juillet 1964.

Son épouse, Raya Lec, continuera à produire le Grenier de Montmartre jusqu'en 1974 avec la même équipe de chansonniers. Elle lui survivra jusqu'au 29 mars 2002. Elle évoquait toujours ainsi le temps du Grenier de Montmartre: "on a bien rigolé".

Les archives de Jean Lec et du Grenier de Montmartre sont déposées à la Bibliothèque Nationale de France.

CALEMBOURDIT
Jean Lec – 1935

Un jour le nommé Bertin s'en fut au champ.

En entrant dans le Chambertin, vinicole et lui dit "Beaune, Nuits".
- Tiens, fit-elle, tu Maconnais.
- Oui, dit-il, on pourrait Dijonnais ensemble.
Et il se mit en Champagne pour lui plaire.
- Viens dit-il c'est moi qui Reims.

Il l'emmena en Bordeaux, près d'un Moulin à Vent. "Je possède un Château-Margaux et une Ermitage" dit-il en l'embrassant sur l'Anjou.
Elle devint rouge, lui devint blanc. Ils se plurent d'oignon!
- Ay-ay disait la petite – Tu Madère à la peau.
- Alors, fit-il d'une voix Graves, venez derrière Saumur.
- Je suis à Vouvray fit-elle en l'y suivant.

Mais il était Médoc en amour. C'est un Sauterne, pensa-t-elle, il est vin du Rhin.
Bref, elle en eut vite du Vieux Marc. Elle comprit qu'il n'était qu'un Pouilly, qui serrait le Corton de sa bourse.
"C'est un vieux Tokay" pensait-elle.

Elle le laissa pour un Beaujolais garçon, un nommé Aramon, qui n'avait rien d'un Muscadet mais qui la rendit très heureuse parce que c'était un bon Pinard… quoiqu'il la Cognac.

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