|  |  | Dans le jour radieuxSous la flamme des cieux
 Je suis l'épi mûri qui danse dans la brise
 Qui dodeline
 Et qui s'incline
 Et joyeux de danser à tout souffle me grise
 Toujours couché, toujours me relevant
 Je suis l'épi mûri qui danse dans le vent.
 On m'a dit : épi mûr, en toi tout mon espoir.
 On m'a dit : épi mûr, tu fais bien ton devoir
 Et le matin et le soir
 On m'est venu rendre des grâces.
 Qu'importe ce sourire traître
 Sot qui de moi te penses maître
 De moi qui sans fin me délasse
 Jusqu'au couchant, dès le levant
 De moi, tout droit, qui me prélasse,
 Et qui m'incline ivre et fou dans le vent.
 Grains battus, farine, pain cuit
 De tout le monde humain, esclaves et seigneurs
 Qu'à votre sort mesquin je doive être réduit
 Ne le croyez pas ou je meurs !
 A votre vie utile et sans art et commune
 Ne participera jamais mon âme ;
 Car ma vie à moi sous la lune
 A l'aurore, ou au ciel en flamme,
 C'est de danser l'été joyeux
 Le travail harassant, toute saveur exquise !
 Et de chaque côté bénissant de mon mieux
 Je suis l'épi mûri qui danse dans la brise.
 (Lautrec, 1941)  |